Manque de tact*
L’heure de la fermeture approche pendant que les profits s’encaissent, l’alcool coule à flot.
La bière est bonne. Les femmes sont ravissantes. La musique, passable, ce qui résume la description du Baloo’s un samedi soir.
MAIS.
Ce soir ne semblait pas suivre le petit quotidien habituel d’une soirée entre amis. Non.
Ce soir, je me fais scruter par la gente féminine en quête d’un corps chaud pour combler leurs désirs les plus pervers. Du moins, c’est ce que mon deuxième cerveau communique auprès du premier afin de biaiser l’analyse de mon observation menée en toute confiance. Tout va bien.
Voilà que je décide de poser des pièges afin de stimuler un développement moins hypothétique. Je me rend ainsi vulnérable.
Je vais dehors comme tout bon fumeur sociable et je m’allume une cloppe accompagné de ma confiance et d’un regard lubrique. Ça fonctionne déjà, elle me regarde de loin, et d’un pas décisif, elle s’approche sans me dévisager. Elle me scrute comme tout le reste, tel un morceau d’Allegretto inerte, cette souris curieuse s’enligne droit au piège.
Elle s’allume un deuxième bâtonnet cancérigène en moins de 5 minutes afin de justifier sa présence sur la terasse et me dit avec plusieurs hésitations inévitablement causées par la gêne:
“J’avais un peu froid, je voulais me rapprocher de ce lampadaire chauffant… ce qui me semblait justifier l’envie de vouloir te parler.”
Elle méritait bien la nomination pour le prix de la meilleure approche en 2007, si ce n’était pas de l’autre surprise qui venait de surgir sur la terasse à ce même moment. Une amie venait d’apparaître à mes côtés malgré tout les regards désapprouvant son rapprochement. Et avant même que je puisse lancer ma candidature pour le meilleur comeback en 2007, cette amie lança à voix haute:
“Voulez-vous que je vous laisse tout seul?”
J’ai figé.
Si je disais oui, l’étrangère aurait automatiquement pensée que j’étais égoïste à faire fuir les gens qui se rapprocheraient dans le but de pouvoir la cruiser sans déconcentration, ce qui me semble un peu désespéré. J’aurais passer pour un gars qui se criss de ses amis dans le but de se ramener de la chair à la maison.
Si je disais non, je l’aurais peut-être déçue en laissant croire que je ne voulais justement pas être seul avec elle, que je cherchais à être sauvé. Et si ce n’était pas le cas, elle aurait sûrement été un peu plus intimidée à faire ma connaissance, sous la supervision d’une amie sélective.
Pendant que j’analysais les deux côtés de la médaille sans bonne réponse, le morceau d’Allegretto est devenu trop amer, la souris s’est sauvée.
Là elle devait penser que je cherchais une bonne façon de me justifier auprès de ma blonde. Ce qui n’était pas vraiment le cas.
Évidamment, mécontent, j’ai tout expliqué à cette amie qui venait de faire fuir ma proie. En vain, elle n’a rien compris. En fait, elle est persuadée que sa question était légitime. Oui, elle est légitime si tu la demande à deux être qui se connaissent, mais pas deux personnes qui viennent de se rencontrer… quelle ambiguité!
J’ai tort?
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*Paru sur le célibatorium le 21 novembre 2007